Hors du temps




Être en permanence dans une course folle, à la recherche d’une impossible performance, dans la tourmente du monde actuel, voilà ce qui me donne le sentiment d’être « hors du temps ».
Courir, toujours courir
Après une année de travail comme gouvernante, je suis revenue sur les bancs de l’école. Deux ans d’études intensives pour enfin décrocher mon diplôme d’aide-soignante, en poche. Le jour de la remise de diplômes, quel soulagement ce fut. Pourtant, le soir même, je recevais ma première convocation pour un emploi saisonnier en tant qu’aide-soignante. Un mois plus tard seulement, je signais un CDI pour un autre poste en centre médical. La cadence infernale est alors devenue mon quotidien. J’étais à l’époque encore jeune, sportive et motivée à l’idée de donner le meilleur de moi-même. Je courais partout dans cette immense maison de retraite, prenant soin des personnes âgées, répondant à leurs appels incessants. Dès que je croisais un collègue, il me disait : « Dépêche-toi ! ». C’était le mot d’ordre, et j’essayais de tout faire au plus vite, toujours plus vite. Je courais, toujours.
Volée du temps
Avec le temps, cette cadence m’a fatiguée, épuisée. J’ai l’impression que l’on m’a volé mon temps, mon temps libre, mais aussi mon temps de travail. Les moments pour se poser, regarder autour de soi, apprécier l’instant présent, se sont faits de plus en plus rares. Je me suis retrouvée prise dans un engrenage, un tourbillon qui m’empêchait de prendre le temps de vivre. J’en suis arrivée à un point où je ne ressentais plus rien. Je ne ressentais plus le plaisir de travailler. Je ne ressentais plus la fatigue. Je ne ressentais plus la joie de vivre, j’étais devenue un robot qui fonctionnait sans jamais s’arrêter, sans jamais se poser de questions.
À force de courir, de toujours courir, j’ai perdu de vue ce qui était important pour moi, ce qui me rendait heureuse. J’ai perdu de vue mes passions, mes amis, ma famille. J’ai perdu de vue le sens de ma vie. J’ai fini par craquer, j’ai burnouté. J’ai senti que je ne pouvais plus continuer comme ça, que j’étais en train de me perdre.

J’ai alors décidé de prendre du temps pour moi, de me reconnecter avec moi-même, de me redécouvrir. J’ai quitté mon emploi, je suis partie en retraite dans un monastère bouddhiste. J’ai pris le temps de méditer, de me poser des questions, de faire le point. J’ai redécouvert le plaisir des choses simples, comme se promener dans la nature, lire un livre, regarder un film. J’ai redécouvert le plaisir de prendre soin de moi, de mon corps et de mon esprit.
Aujourd’hui, je suis revenue à un rythme de vie plus lent, plus doux. J’ai appris à dire non, à prendre du temps pour moi, à apprécier l’instant présent. J’ai repris mes passions, et j’ai retrouvé la joie de vivre. Je ne suis plus « hors du temps », je suis enfin dans le temps présent, dans l’instant présent. Et c’est là que je me sens bien.