Reinhard Mey : un poète à la délicate gravité




Une citation d'Oscar Wilde m'est toujours restée en tête : "Le véritable mystère du monde, c'est le visible, et non l'invisible." Oui, la réalité que nous vivons, que nous avons sous nos yeux, renferme bien des secrets. C'est à ces énigmes que Reinhard Mey s'est attaqué avec talent, humour et gravité.
Reinhard Friedrich Michael Mey, né à Berlin le 21 décembre 1942, a partagé sa vie entre l'écriture, la composition et l'interprétation de chansons. La sensibilité de ses textes et la finesse de ses mélodies lui ont valu une reconnaissance bien au-delà de son pays natal. Pour moi, Reinhard Mey est un poète, un observateur attentif de la société, un homme de paix et de dialogue, un humaniste qui ne manque ni d'humour ni d'autodérision.
Jeune, il a été fortement marqué par la Seconde Guerre mondiale. L'horreur de l'Holocauste et l'expérience du morcellement de la scène politique allemande ont forgé une conscience citoyenne et artistique qui n'a jamais cessé de le nourrir. Il a notamment été bercé par les chansons de Georges Brassens. La musique populaire française a ainsi eu une influence notable sur son œuvre, qui, à sa manière, est une œuvre engagée.
Ses chansons évoquent souvent des situations humaines simples, mais toujours avec une profondeur d'analyse qui va bien au-delà des apparences. En cela, il rejoint le travail de l'écrivain autrichien Thomas Bernhard, qui déclarait : "La véritable profondeur ne se cache pas dans ce qui est complexe, elle se trouve au cœur même des choses simples." Reinhard Mey a ce don de nous faire découvrir une dimension nouvelle dans un quotidien que nous croyons connaître.
Sa capacité à trouver les mots justes, à ciseler les phrases jusqu'à leur donner l'efficacité d'un poème, est remarquable. Il manie les paradoxes avec aisance, les métaphores avec subtilité. Ses chansons sont faites pour être écoutées, mais aussi pour être lues, car elles sont traversées par une véritable écriture littéraire. La langue allemande, avec sa richesse lexicale et syntaxique, se prête merveilleusement à cet exercice.
Reinhard Mey est également un compositeur de talent. Ses mélodies, souvent empreintes de mélancolie, sont originales et mémorables. Il s'est essayé à différents styles, de la ballade au folk, en passant par le jazz. Mais c'est dans la simplicité qu'il trouve le plus souvent la perfection. Il joue de la guitare, du piano et de l'accordéon, et s'entoure de musiciens de grande qualité.
Sa discographie est riche et variée. Citons quelques-uns de ses albums les plus connus : "Ich wollte wie Orpheus singen" (1967), "Wie vor Jahr und Tag" (1974), "Mr. Lee" (2016) ou encore "Das Haus an der Ampel" (2020). Ses chansons ont été traduites dans de nombreuses langues, dont le français.
Reinhard Mey est un artiste populaire au sens noble du terme. Sa musique touche toutes les générations. Il n'hésite pas à aborder des sujets graves, tels que la guerre, la mort ou la solitude, mais toujours avec une élégance et une pudeur qui évitent le pathos. C'est un passeur d'émotions, un semeur d'espoir, un homme qui, à travers ses chansons, nous aide à vivre.
Comme l'écrivait le philosophe allemand Friedrich Nietzsche : "L'art est le baume qui guérit les blessures de la vie." L'œuvre de Reinhard Mey est un baume précieux, qui nous aide à regarder le monde avec un peu plus de lucidité et de compassion.